Article proposé au Neuro Orthopaedic Institute (NOI) et publié initialement sur le blog noijam le 29 juin 2017
C’est quoi ?
L’imagerie motrice implicite (IMI) peut se définir comme une représentation mentale inconsciente d’une action motrice sans production de mouvement concomitant [1]. La procédure utilisée dans l’Imagerie Motrice Graduelle (IMG) est la tâche de jugement de latéralité (TJL). Il s’agit d’une tâche de rotation mentale qui consiste à évaluer la capacité d’un sujet à juger si l’image d’un membre corporel qui lui est présentée est un membre droit ou un membre gauche ou, dans le cas du rachis, une rotation de la colonne vers la droite ou vers la gauche [2]. Dans l’exposé qui va suivre, nous parlerons d’une TJL de la main.
M1 or not?
Il est actuellement admis que les sujets peuvent accomplir la TJL en utilisant des stratégies différentes. La plus documentée est la stratégie motrice où le sujet effectue successivement et inconsciemment une prise de décision initiale arbitraire sur la latéralité du membre représenté sur l’image (droite ou gauche), puis, un mouvement mental de ce propre membre pour tenter de se placer dans la même position que sur l’image et enfin, une confirmation ou un rejet de cette décision initiale (dans le cas du rejet de la décision initiale, le processus recommence en manœuvrant mentalement l’autre membre). Cette stratégie implique une perspective egocentrique (première personne). Une autre stratégie dite visuelle consiste à tourner mentalement la main dans une perspective allocentrique (troisième personne) ; dans ce cas, la main est traitée comme un objet détaché de soi à manipuler [3]. Dans l’IMG, l’IMI est considérée comme l’une des technique préférentielle d’amorçage du mouvement (idée de découplage des neurosignatures de la douleur et du mouvement) car elle est supposée activée les aires motrices cérébrales à minima (notamment le cortex moteur primaire M1) [2]. L’utilisation de différentes stratégies pour résoudre cette tâche est peut-être l’une des raisons de la difficulté à déterminer si l’IMI recrute M1. En effet, la littérature est contradictoire sur ce point [4, 5, 6, 7]. Une revue systématique montre que M1 est activée dans les stratégies motrices (Vs visuelles) et face à un stimulus corporel (Vs non corporel) [8]. Autre fait intéressant, l’entrainement à l’IMI semble créer un décalage des stratégies visuelles vers les stratégies motrices [9] avec une répercussion en termes de recrutement progressif des aires motrices (et notamment M1).
Interprétation des résultats
Deux paramètres sont analysés lors de la TJL : la précision (exactitude de la décision) et le temps de réponse (temps pour fournir une bonne réponse). Ces deux données peuvent être comparées à des valeurs normatives de la population mais également entre membre droit et membre gauche chez un même sujet. Grossièrement, on peut considérer quatre types de perturbation : temps absolu de réponse lent (>2.5s), différence G/D (> 0.3s), baisse absolue de la précision (<80-85% environ), différence de précision G/D (>10%).
Il semble que la TJL soit perturbée dans un grand nombre de situations douloureuses, qu’elles soient aigües ou chroniques [10, 11, 12, 13]. Au-delà du « clivage » aigu/chronique qui fait débat, il pourrait exister, dans certaines conditions, un déplacement de l’attention en direction du membre atteint qui serait à l’origine d’un temps de réponse plus court [14]. Dans d’autres conditions, le temps de réponse s’allongerait reflétant une relative « négligence » envers le membre touché [15, 16]. Le schéma ci-dessous explicite ces deux cas de figure.
Conclusion?
C’est avant tout à son sens clinique que le thérapeute va devoir se fier pour interpréter correctement ces résultats car, à l’heure actuelle, il semble encore difficile de proposer des normes à ce type de test. La raison est que le nombre de facteurs semblant influencer les résultats chez le sujet sain est important : citons à titre indicatif, l’âge et le genre (pour les rotations du rachis), la dominance manuelle, les angles de représentation des membres sur les images, l’hémi-environnement dans lequel est présenté l’image, le sens de représentation du membre (ex : paume Vs dos de la main), l’appartenance du membre représenté (sa propre main Vs la main d’un autre), la position des mains du sujet pendant le test, le contexte dans lequel est présentée la main, etc. [17, 18, 19, 20, 21, 22]. Il est donc conseillé de privilégier d’associer les résultats au test de TJL à l’ensemble de son processus de raisonnement clinique et de privilégier les différences G/D stables sur plusieurs passages de tests par rapport à la comparaison avec des données normatives.
Yannick Barde-Cabusson
Références
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