Article proposé au Neuro Orthopaedic Institute (NOI) et publié initialement sur le blog noijam le 27 juin 2017
Le « Twin Peaks Model » (voir la figure ci-dessous) tiré du livre « Explain Pain* » est un modèle poursuivant plusieurs objectifs d’éducation thérapeutique à la douleur. Il peut permettre au patient de découvrir que douleur et dommage tissulaire ne sont pas nécessairement liés ou encore comprendre comment son système nerveux (SN) s’est sensibilisé et utilise la douleur pour le surprotéger. La montagne de gauche symbolise une mise en contrainte croissante des tissus (muscles, articulations, ligaments, etc.) d’un individu avant sa blessure (avant qu’un phénomène de sensibilisation de son SN ne se soit mis en place). Celle de droite représente la même notion de mise en contrainte progressive mais après la blessure (un phénomène de sensibilisation est installé).
A gauche, l’approche d’un niveau de contrainte pouvant dépasser les limites de tolérance des tissus (ligne TT) pousse le SN à déclencher la douleur en guise de protection (ligne PPD). La douleur est ici un signal d’alarme indiquant l’atteinte imminente d’un niveau de contrainte qui risque de faire subir aux tissus des dommages : il y a douleur car il y a danger pour l’individu. A droite, le SN est sensibilisé : par précaution, il se met à déclencher la douleur face à un niveau de contrainte très inférieur (ligne NPPD) à celui qui pourrait dépasser les limites de tolérance des tissus (ligne NTT) : il y a douleur mais l’individu est en sécurité.
Au-delà de l’intérêt de changer la signification de la douleur pour le patient, une des grandes forces de ce modèle réside dans sa capacité de projection thérapeutique. Pour que le SN change ses estimations (des « inférences probabilistes » qui pourraient lui faire conclure qu’il y a trop de contraintes), une des techniques couramment employée est l’exposition graduelle : le sujet est invité à mettre en contrainte ses tissus de façon répétée et progressive en allant un peu dans la douleur (ligne de contrainte TB au-dessus de la ligne NPPD). Si la contrainte est trop importante et/ou pas assez progressive, des poussées douloureuses peuvent survenir transitoirement et obliger le sujet à réajuster convenablement sa dose de travail (en restant sous la ligne PD).
Cette idée est tout à fait proche de la notion d’acclimatation : on ne présente plus Kilian Jornet (KJ)**, le catalan surdoué détenteur de multiples records d’ascension de sommets prestigieux (il est surnommé « l’ultra-terrestre » !). Il y a quelques semaines, KJ a réalisé deux ascensions de l’Everest dans la même semaine, le tout sans oxygène ! Un tel exploit a été rendu possible à la fois par les qualités physiques exceptionnelles de cet athlète mais également par l’utilisation de stratégies d’acclimatation en haute altitude bien connue des spécialistes de la montagne. Cette technique de préparation consiste simplement à utiliser des temps d’exposition à une altitude donnée suffisamment longs pour laisser le temps à l’organisme de s’adapter et éviter le Mal Aigu des Montagnes (MAM) et son cortège de symptômes. Ainsi, pour préparer sa montée au sommet (8848m), KJ a passé plusieurs semaines à s’entrainer en hypoxie puis à s’acclimater dans les Alpes (travail régulier entre 3000 et 4500m) avant de passer le reste du temps en Himalaya (ascensions régulières de sommet à plus de 7000m). Le patient douloureux chronique n’a plus qu’à trouver Son Everest et à en commencer l’ascension, palier par palier, pas à pas…
Yannick Barde-Cabusson
*Butler, D. S., & Moseley, G. L. (2013). Explain Pain 2nd Edn. Noigroup publications.
**http://blog.summitsofmylife.com/fr/
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