Article proposé au Neuro Orthopaedic Institute (NOI) et publié initialement sur le blog noijam le 2 janvier 2018
L'Imagerie Motrice Graduelle (IMG) est un traitement non pharmacologique de certaines conditions douloureuses reposant sur un ensemble de trois modalités thérapeutiques réalisées dans un ordre précis et de manière progressive. Ces trois composantes correspondent à des exercices de reconnaissance droite/gauche (communément nommés « tâche de jugement de latéralité »), des mouvements imaginés (souvent appelés « imagerie motrice explicite ») et des exercices de thérapie par le miroir.* Comme la plupart des traitements dits « hands-off », il peut être difficile à proposer au patient dont la représentation sociale des techniques de physiothérapie est sans doute plutôt orientée sur ses aspects manuels (« hands-on »). L’éducation mise en place par le thérapeute à propos de l’IMG est cruciale pour assurer une bonne adhérence au projet thérapeutique. Ainsi, une « accroche » originale (capture de l’attention) et adaptée au patient (et à son contexte) sont nécessaires pour ne pas le déstabiliser et qu’il puisse comprendre la logique qui existe derrière ce traitement.
ll y a quelques mois, j’ai reçu en consultation un patient atteint d’un Syndrome Douloureux Régional Complexe (SDRC-I) du pied gauche évoluant depuis plusieurs mois. Après une première entrevue où il m’a notamment expliqué son parcours thérapeutique, comment il se représentait son problème et quelles étaient ses attentes, je lui ai expliqué ce qu’il était possible de commencer par travailler. Comme il était chimiste, je lui ai parlé brièvement d’une citation célèbre de Paracelse (et qu’il connaissait) : « Tout est poison et rien n’est sans poison; la dose seule fait que quelque chose n’est pas un poison. »
Je lui ai demandé ce qu’il pensait de cette citation, ce qu’elle signifiait pour lui et ai cherché à savoir s’il pouvait la rapprocher de son problème de douleur au mouvement. Cette dernière remarque a éveillé sa curiosité et l’a fait chercher quelques minutes sans qu’il ne sache répondre. J’ai donc repris la main pour lui demander ce qu’il pensait du mouvement de son pied gauche. Il m’a répondu que c’était l’enfer de bouger ce pied et qu’il ne savait tout simplement pas comment s’y prendre pour avoir moins mal. Je lui ai demandé si on pouvait comparer le mouvement douloureux de son pied au poison de la citation de Paracelse. Il a eu l’air très intrigué et m’a demandé d’expliciter.
J’ai alors choisi de glisser vers une métaphore intermédiaire en lui demandant s’il considérait le pollen comme un poison. Il m’a dit que non, sauf peut-être pour les personnes qui y étaient allergiques. J’ai déroulé mon argumentaire : l’allergique se retrouve avec un système neuro-immunitaire trop sensible au pollen. Ce n’est donc pas le pollen par lui-même qui constitue le problème mais plutôt la réaction allergique qui est dépendante de la dose appliquée. J’ai posé la question de savoir comment on pouvait traiter un individu allergique au pollen. Il m’a tout de suite parlé de l’immunothérapie spécifique (désensibilisation par habituation à l’allergène administré progressivement) car sa sœur avait déjà suivi ce traitement. Il me restait à faire le parallèle entre douleur et mouvement. J’ai expliqué au patient que son système nerveux (SN) était sensibilisé, c’est-à-dire momentanément allergique à une certaine dose de mouvement MAIS que c’était bel et bien le mouvement qui allait traiter sa douleur à condition de le doser correctement. J’ai imprimé le schéma ci-dessous qui montre en quoi l’IMG constitue un processus d’exposition graduelle et comment elle s’intègre à un processus de réhabilitation plus large.
J’ai expliqué que parfois, comme dans son cas, quand un mouvement était trop douloureux, il pouvait s’avérer nécessaire de commencer à bouger de manière quelque peu différente des mouvements réels (voir schéma) pour pousser le SN à se désensibiliser. A l’aide de la figure ci-dessus représentant les trois composantes de l’IMG, j’ai fourni à mon patient une description de ces manières de bouger plutôt « inhabituelles ».
Pour impliquer davantage mon patient, je lui ai proposé de choisir une des trois composantes de l’IMG (voir le premier schéma ci-dessus) pour faire un essai ensemble. Comme il avait déjà entendu parler de la thérapie miroir (merci Dr House !), il a souhaité commencer par cette composante. Quelques douleurs en travaillant bilatéralement nous ont poussé à utiliser des exercices d’imagerie motrice explicite en complément. Mon patient s’était lancé dans l’IMG !
Aujourd’hui, ce patient va beaucoup mieux et lors de sa dernière séance il m’a dit spontanément « Je me souviendrais longtemps de ce sacré Paracelse ! ».
Yannick Barde-Cabusson
* Moseley, G., Butler, D. S., Beames, T. B., & Giles, T. J. The Graded Motor Imagery Handbook. 2012. Adelaide: Noigroup Publications.
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